
Rencontre avec Paul Dequidt, premier prix du jury et grand gagnant de la finale nationale 2021 du concours Ma thèse en 180 secondes
À l’issue de la finale nationale du concours « Ma thèse en 180 secondes », qui s’est déroulée dans la soirée du 10 juin 2021, Paul Dequidt docteur de l’université de Poitiers en Traitement du signal et des images au sein de l’Institut de recherche XLIM a remporté le 1er prix, il a également obtenu le prix des internautes.
Paul Dequidt aura donc l’honneur de représenter la France lors de la finale internationale à Paris, le 30 septembre prochain, RENCONTRE :
Quelle a été votre première rencontre avec le monde de la recherche ? Pourquoi avez-vous fait une thèse ?
Mes premiers contacts avec le monde de la recherche ont eu lieu lors de ma première année d’études supérieures. J’avais tenté le concours de médecine (PACES), et bien que ce soit un concours très difficile, j’ai adoré le monde universitaire. Je sentais une proximité entre le lieu de l’élaboration du savoir et sa diffusion lors des cours, via mes professeurs, et ce rapport m’a beaucoup plu. J’envisageais déjà de travailler dans l’enseignement supérieur, et c’est cette rencontre avec le milieu universitaire qui m’a confirmé dans mon choix.
Vous avez parlé lors de différentes interventions récentes de l’importance pour votre laboratoire de « rendre au public les fruits d’une recherche financée par le contribuable ». Quelles sont les pratiques mises en œuvre par votre labo que vous pourriez citer ?
Plusieurs exemples me viennent en tête. Chaque année, avec le CHU, nous participons à la nuit des chercheurs, qui permet une rencontre entre le public et les équipes de recherche. Nous montrons avec des petites démonstrations comment se mêlent recherche en intelligence artificielle et imagerie médicale. En ce qui concerne mon laboratoire, XLIM, nous avons des travaux de recherche sur la valorisation du patrimoine. Dans ce cadre -qui n’est pas mon sujet de recherche- j’ai déjà accompagné un de mes professeurs, Noël Richard, lors d’une de ses conférences grand public à Lussac-les-châteaux, où se trouve le musée de la préhistoire. Il était question ici de montrer comment la recherche en analyse d’image permet de faire de la reconstruction 3D de peintures rupestres. C’est dans ce genre d’événements que j’ai été sensibilisé au fait de rendre accessible la recherche au grand public.
Lors de la finale régionale MT180 de l’Université Confédérale Léonard de Vinci, le 18 mars 2021, vous avez parlé de la différence entre le « temps de la recherche » et le « temps médiatique », qui crée un décalage entre la production et la diffusion de l’information scientifique puis son utilisation notamment dans le pilotage de l’action publique. Est que MT 180 aide à transmettre la culture scientifique à cet égard ?
Ici, je vais être un peu critique. Je ne suis pas certain que MT 180 rentre dans ce diptyque entre le temps de la recherche, long, et le temps médiatique, court. Le dispositif est très particulier, et ne permet pas de mettre en avant les laboratoires, les équipes de recherche, et tout le débat qui peut exister lors des discussions scientifiques. En ce sens, MT 180 n’est même pas une discussion : le propos tenu par le doctorant n’est pas questionné par le jury. Cela peut amener les participants à adopter des postures qui seraient d’ordinaire mal vues dans le milieu universitaire : incarnation et personnalisation de La Science, posture de sauveur face à un problème, dissimulation de certains éléments controversés… Moi-même, je tombe dans ces travers, notamment vis-à-vis de la posture du sauveur (« mon algorithme peut sauver 20 ans de vie au patient ! ») mais il s’agit d’avantage d’effets liés au dispositif que de dérives personnelles : implicitement, on nous demande de rendre notre travail spectaculaire, ce qui n’est pas naturel pour un sujet de thèse, souvent très précis. Ainsi, MT 180 est une mise en spectacle de la science, mais d’une science qui ne rend pas compte de la réalité du travail du chercheur.
De plus en plus de doctorants/docteurs souhaitent faire carrière dans les métiers de la médiation scientifique. Partagez-vous cet intérêt ?
J’ai vu que beaucoup d’anciens candidats MT180 étaient devenus vidéastes, ou youtubeurs scientifiques. Je comprends que les ponts se fassent, mais personnellement je suis plus intéressé par l’enseignement, qui est aussi une forme de médiation. J’ai beaucoup appris grâce aux différentes chaînes youtube et autres contenus de vulgarisation, mais je suis un peu intimidé par la personnalisation, le marketing de soi, et la gestion d’une communauté plus ou moins critique face au contenu proposé. Vidéaste et enseignant-chercheur sont deux métiers différents. Cela dit, je ne me ferme pas à cette idée, mais avec des conditions. Par exemple, je pense que je me sentirais plus à l’aise dans une communication institutionnelle, plutôt que personnelle.
MT180, c’est un événement inspirant pour vous ? Pensez-vous qu’il puisse donner le goût de la recherche aux plus jeunes et quel message auriez-vous à faire passer aux doctorants qui auraient envie de vous suivre dans cette aventure ?
J’ai pris MT180 comme un jeu, et pas comme un concours. J’ai pris du plaisir sur scène et je me suis beaucoup amusé en travaillant avec les autres candidats. Je pense que cet état d’esprit permet de désamorcer les velléités liées à la compétition. Au final, j’ai fait de belles rencontres parce que l’ambiance était détendue. Je pense que se mettre la pression n’est pas nécessaire : avant de monter sur scène, le trac sera là quoi qu’il advienne, alors autant faire en sorte que le reste de l’aventure soit agréable. Je pense que c’est mon conseil.
Pensez-vous que le rôle du collectif soit important dans la recherche ? Comment avez-vous été accompagné (par votre laboratoire, les autres doctorants, les coach …) dans cette aventure ?
Le collectif est très important dans la recherche. Un laboratoire est plus que la somme des individus qui le composent. Dans un laboratoire, vous travaillez avec des gens qui ont des thématiques proches des vôtres, ou qui utilisent les mêmes outils. de plus, la science évolue beaucoup avec les croisements entre disciplines : on retrouve des équations de thermodynamique dans le traitement d’image ! Ces sauts entre disciplines n’auraient pas été possibles sans la communauté scientifique.
Dans mon travail, je me suis retrouvé entre les informaticiens et les radiologues, chacun avec leur langage. Mon travail a été de faire le pont entre ces deux champs scientifiques pour voir ce qu’il résultait lorsque qu’une IA était appliquée sur des images IRM. Par conséquent, dès le début de ma thèse, j’ai dû trouver des moyens d’expliquer mon sujet de différentes manières selon mon interlocuteur.
Pour conclure, comment appréhendez-vous cette finale internationale ? Êtes-vous prêt ?
Je suis rentré de Paris boosté, avec une très forte confiance en moi. Maintenant que l’excitation est retombée, je me dis que cette finale va être très sérieuse, et je compte l’aborder avec sang-froid. Je n’ai pas encore vu les autres candidats, et j’ai hâte de discuter avec eux. De la même manière que précédemment, j’aimerais désamorcer l’aspect compétitif, mais j’imagine qu’à ce niveau-là, ce sera plus compliqué. Dans tous les cas, j’espère passer un excellent moment.
© MT180 CPU-CNRS – David Pell
Plus d’infos :
Concours Ma Thèse en 180 secondes
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